Le Scarabée
Masquer la pub

Combats de rue et désinformation

par ARNO*
mise en ligne : 26 septembre 1996
 

Le traitement audio-visuel des combats israëlo-palestiniens est encore un remarquable exemple de désinformation.

LE TRAITEMENT AUDIO-VISUEL des terrifiants évènements qui semblent aujourd’hui marquer l’enterrement définitif du processus de paix israëlo-palestinien est encore un superbe exemple d’aveuglement et de désinformation. Nos journalistes télé-radio sont-ils à ce point abrutis ? Même France-Inter rejoint les télés dans le troupeau des tocards médiatiques ; inquiétant...

En effet, depuis quelques jours, les analyses de la situation sont systématiquement confiées à des intervenants très douteux, incapables d’objectivités et spécialistes de la langue de bois. Et pour cause, ce sont tous des représentants officiels ou officieux du gouvernement Netanyahou.

Intervenant omniprésent : le Likoud français. Tout ça parce que le premier ministre israëlien, lors de sa visite en France ce week-end, n’a d’abord pas souhaité rencontrer la communauté juive de France, mais seulement le Likoud-France. Un camouflet que les représentants de la communauté ont dénoncé : les juifs de France sont largement ouverts, favorables au processus de paix, font partie intégrante du peuple français, et rejettent le modèle séparatiste, réactionnaire et raciste de la droite israëlienne, le modèle que soutient justement le Likoud français. Le Likoud présenté comme la voix des juifs de France, c’est irresponsable et dangereux, c’est une provocation et une insulte.

Et comme il faut bien d’autres intervenants, les médias invitent systématiquement les représentants officiels israëliens (ministres, députés Likoud, ambassadeurs...). Des chefs-d’oeuvre de la langue de bois, qui expliquent avec un aplomb insupportable que le gouvernement Netanyahou a tout fait pour préserver la paix, et que la réaction palestinienne est incompréhensible.

Pourquoi n’a-t-on pas vu sur les écrans de représentants palestiniens, de membres de l’opposition travailliste israëlienne, ni les représentants des juifs de France (le CRIF, Radio-Shalom et autres) ? Quand la France soutenait systématiquement les arabes et les palestiniens (une position souvent douteuse), les médias suivaient sans broncher. Aujourd’hui Jacques Chirac envoie un message de soutien à Yasser Arafat (pour une fois qu’il ne dit pas une connerie), et les médias prennent son contrepied. Si c’est une volonté d’indépendance face au pouvoir, c’est raté !

Car il serait enfin temps de dire clairement que, depuis son retour au pouvoir, la droite israëlienne n’a fait que bloquer la mise en place des accords d’Oslo, et multiplié les provocations (refus de rencontrer Arafat, bouclage interminable des territoires palestiniens, reprise du développement des colonies... jusqu’à l’ouverture du tunnel de l’Esplanade de Mosquées) et les erreurs politiques (David Lévy court-circuité dans ses efforts par son premier ministre). Dire que l’autorité palestinienne a fait preuve, jusqu’ici, d’une étonnante patience, et que le gouvernement Netanyahou est largement responsable de la situation semble pourtant évident et nécessaire. Qu’on ne se méprenne pas, il ne s’agit pas ici (et bien au contraire) du systématique et aveugle soutien aux palestiniens, très en vogue dans certains milieux.

Alors on attend deux choses des médias français quand ils reçoivent les représentants israëliens : qu’au lieu de les laisser aligner les contre-vérités, ils les questionnent sur leur attitude au mieux irresponsable, au pire criminelle, et qu’ils les interrogent sur le devenir du processus de paix : les actuels combats à l’arme automatique et les nombreux morts marquent-ils son enterrement définitif, ou peut-on espérer un ressaisissement du pouvoir et la reprise des discussions ?

A défaut, que les médias se contentent de l’exposé objectif des évènements, car ces manipulations deviennent insupportables ! Des israëliens et des palestiniens sont morts hier, meurent aujourd’hui et mourront demain, ils méritent sans doute mieux pour homélie funèbre que la langue de bois politico-médiatique.

Heureusement qu’il nous reste la presse écrite...

Lire aussi :