Le Scarabée
Masquer la pub

Tu seras un macho, mon fils

par ARNO*
mise en ligne : 28 juin 1996
 

Le sous-lieutenant nous l’avait bien dit, lors d’un discours édifiant et mémorable (je vous ai déjà parlé de la fascination qu’exerce sur moi la vivacité intellectuelle des sous-officiers de carrière) : « Un homme, ça a deux couilles et un bite ! Un homme, c’est martial, c’est viril et ça marche au pas ! »

Sept ans après, ce sermon résonne encore dans ma mémoire comme l’énoncé des tables de la loi. Un adage que mes compagnons de chambrée vérifièrent le soir même, en expérimentant manuellement, chacun de son côté et dans le noir, cette fonction de leur anatomie conçue originellement pour la reproduction et le plaisir mutuel. C’est de cet épisode que j’ai tiré l’enseignement suivant : derrière la grande gueule des machos se cache un organe qui tient dans la main.

Alors depuis, je voue une admiration sans bornes pour ces hommes (les vrais) fiers de leurs certitudes archaïques et dont il faudra bientôt conserver les derniers individus dans un zoo (déjà, aujourd’hui, la découverte d’un de ces rares spécimens fait la une de la presse féminine). Car c’est une longue formation, ultra-sélective, qui attend le candidat macho, et qu’il convient de commencer très tôt.

En primaire, il suffit de pisser plus loin que son voisin (à l’armée, on s’entraînera de concert à pêter plus haut que son cul). Rapidement, l’usage du décimètre, puis du double décimètre, permet de fixer un hiérarchie moins aléatoire. Vers 14 ans, un profond débat s’instaure sur l’importance relative du double décimètre (pour la longueur) et du pied à coulisse (pour le diamètre). A 15 ans, le cours de math enrichit la polémique : le produit du diamètre au carré et de la longueur, le tout multiplié par Pi et divisé par quatre fournit le volume de l’engin ; une méthode beaucoup trop complexe que le vrai macho rejettera avec vigueur. Le vestiaire de la piscine permet désormais de comparer les pilosités respectives. Les critères physiques pour accéder aux statut de macho deviennent drôlement sélectifs. Mais surtout, le vrai macho doit avoir « couché ». Le vrai vrai macho, le plus du top du lycée, dès 16 ans, a « couché » avec la prof de math. Au delà des critères physionomiques, il faut désormais être doté une grande gueule et d’un aplomb certain. Quand je vous disais que ce n’était pas donné à tout le monde. Un stage à l’armée, entouré de professionnels, achèvera la formation de l’élu.

Le seul critère vestimentaire important, c’est la gourmette portée autour du cou, gravée d’un surnom viril. Les plus machos opteront pour les plaques d’identification façon G.I. au Vietnam. Bien entendu, le bijou est porté par-dessus le T-shirt.

A la plage, il convient de porter un maillot de bain seventies, permettant l’aération et l’exposition du poil, et le moulage de l’appareil. A ce sujet, le geste assimilé à tort à une remise en place du bazar permet de donner un certain volume à ses arguments et de contrer le rétrécissement sournois lié à l’immersion dans l’eau froide.

La montre doit être voyante et volumineuse. Attention, à terme, cela provoque un allongement du membre qui supporte l’objet. La pratique répétée du bowling (avec l’autre bras, bien sûr) permet de rétablir l’équilibre anatomique du sujet. Lorsque le macho peut se gratter les genoux sans se baisser, c’est qu’il a acquis un profil simiesque du plus bel effet, propre a servir ses intentions.

J’arrête là, mais vous l’avez compris, être un macho est le fruit d’une discipline intellectuelle et physique admirable et, par là même, le macho doit être adulé comme un véritable héros des temps modernes.

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