Le Scarabée
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Baise des salaires

par ARNO*
mise en ligne : 5 février 1997
 

Enculage de jeunes à tous les étages, le retour...

Oui ! Génial ! Accords syndicaux historiques à EDF-GDF (l’électricité et le gaz de France) : réductions du temps de travail à grande échelle. 32 heures payées 36 pour les volontaires. Certains médias, dans un moment de délire absolu, ne sont pas loin d’annoncer la fin du chômage, l’avènement d’un monde meilleur où tout le monde aura du boulot tout en étant moins fatigué, les parents pourront passer 7 heures de plus (en couple, ça fait même 14) avec leurs enfants, des enfants assurés, enfin, d’un boulot sympa et pas trop crevant, dans une société sans exclus, sans violence, sans drogue... (oui, j’exagère).

Et là, patatra, la CGT et FO, syndicats majoritaires dans le groupe, dénoncent l’accord. Quoi comment hein ? Ces ordures de fumiers osent refuser la plus grande avancée sociale de la fin du vingtième siècle, ce remake post-moderne des congés payés du Front Populaire, ce grand bond en avant des lendemains qui chantent de la fin de l’histoire du chômage ? Décidément on n’y comprend plus rien, surtout que les médias (les mêmes) restent très discrets sur les motivations d’un tel refus.

Alors je ne tenterai pas de discuter l’intérêt des « 32 heures sur la base du volontariat », comme ils disent dans le journal, pas plus que je ne prendrai partie dans l’affaire. On remarquera simplement que cela ressemble plus à une volonté d’éviter un plan social coûteux que d’embaucher en masse. Après tout, ce ne serait déjà pas si mal. On constatera également que l’effort pour l’entreprise est largement minimisé par les réductions de charges prévues par la loi. C’est déjà moins courageux.

Non, c’est encore sur l’« enculage de jeunes » que je veux arriver. Car il y a comme un silence gêné des médias sur le point le plus consternant des accords : pour les employés actuels, c’est 32 heures payées 36 sur la base du volontariat ; pour les nouvelles embauches, ce sera 32 heures payées 34, et c’est obligatoire pour 75 % d’entre elles (avec impossibilité de passer à temps plein avant 3 ans). Alors quoi, pas encore embauchés, déjà baisés ?

Et c’est la grande tendance des nouveaux accords salariaux, tous domaines confondus : quand les employés installés (et donc prêts à se mettre en grève) acceptent de maigres efforts, ils signent des réductions de salaires énormes pour ceux qui viendront après eux. Les jeunes sont systématiquement sacrifiés par des décisions que l’on prend en leur nom. Aucun secteur n’échappe à ces baisses de salaires acceptées à la place des futurs salariés. L’accord salarial par secteur d’activité remplacé de fait par des accords par tranches d’âge.

Voilà donc qu’on nous organise un peu plus le fossé économique des générations. Les « vieux » décident sans les concerter que les jeunes n’auront pas le même salaire qu’eux. C’est quoi cette mode ? Une mode qui consiste à donner (céder) ce qu’on ne possède pas. Alors, que reste-t-il aux jeunes qui sortent de l’école ? Une période de chômage obligatoire, entrecoupée de stages et de contrats à durée déterminée ; et lorsqu’ils auront un boulot, ce sera à un salaire inférieur à celui de leurs ainés en leur temps.

Au fait, comme espèrent-ils qu’on paie leurs retraites ? Car il faudra bien que les jeunes, avec leurs salaires tronqués paient pour les vieux qui ont conservé jusqu’au bout leurs avantages ? Ah oui : il faut réformer les retraites, passer le tout sur des caisses privées (chacun cotise pour lui-même), et abandonner l’idée de solidarité. Finalement c’est logique, puisque les jeunes générations sont exclues dès maintenant de cette solidarité.

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