Le Scarabée
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Éa eut payé !

par ARNO*
mise en ligne : 23 juillet 1996
 

Là où l’agriculteur communique, l’info trépasse.

Décidemment ils n’hésitent pas, à TF1 (à moins que ce ne soit France 2, mais c’est pareil) : je tombe ce week-end sur une superbe enquête sur l’actuelle sécheresse dans la Beauce, cette richissime plaine céréalière de la région parisienne. Encore une fois, ce fut l’occasion d’admirer l’incroyable force de persuasion des syndicats agricoles français.

Le ton donnait dans le larmoyant. Le seul interviewé était un vieux paysan retraité, à l’accent du terroir comme on l’aime, et le commentateur nous asséna un magnifique : « Dans une filière déjà gravement touchée par l’affaire de la vache folle... ». S’il est un secteur où l’information a depuis longtemps cédé le pas à la manipulation, c’est bien l’agriculture. Un tel reportage serait risible, si ces imbécilités ne nous coûtaient pas aussi cher !

Pour commencer, on peut s’étonner du choix de l’unique témoin : un bon vieux bonhomme à la retraite, typique de l’imagerie paysanne. Ce choix est pourtant clair : l’agriculteur en exercice dans cette région ne ressemble absolument pas au stéréotype recherché, propre à émouvoir le spectateur, c’est un homme d’affaire dynamique, parfaitement intégré, costard-cravate, plus proche du look banquier que peignot. Très loin du pauvre paysan désargenté, le céréalier de la Beauce est riche, très riche.

Quant à nous balancer, des trémolos dans la voix, la « filière touchée par l’affaire de la vache folle », il fallait oser ! Quel rapport ? On se demande...

Alors tombe l’argument massue : « une baisse de 30 % de la récolte ». Logiquement, le spectateur fort en math en déduit une chute de 30 % du déjà maigre salaire du pauvre bougre. Là, il faudrait qu’on nous donne des chiffres, des vrais. Sachant que le pouvoir d’achat des agriculteurs a augmenté de 12 % l’année dernière (un chiffre que la FNSEA préfère rester discret), la catastrophe annoncée est déjà nettement limitée. Autre chiffre qu’on aimerait connaître, ce sont les revenus des agriculteurs concernés ; pour le coup, c’est une véritable enquête qu’il faudrait mener (et la télé n’est pas là pour ça).

Mais surtout, dans une Europe de surproduction céréalière endémique, où les cultivateurs touchent des subventions pour ne pas produire, il n’est pas certain que leurs revenus baissent. Et si, malgré cela, ils baissaient, vous connaissez le topo, une petite manif à la sous-préfecture, et c’est une petite compensation de plusieurs milliards qui arrive.

Alors justement, c’est là que ça devient intéressant : on apprend quelques jours plus tard que l’Europe étudie la possibilité de prendre un peu sur les subventions aux céréaliers pour soutenir l’élevage. Il devenait donc urgent pour ces derniers de « communiquer ». C’est pas impressionnant, ça, comme coïncidence ?

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