Le Scarabée
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Enculage de jeunes à tous les étages !

par ARNO*
mise en ligne : 12 octobre 1996
 

Ceux qui nous refusent aujourd’hui notre place dans la société se préparent une vieillesse douloureuse...

Je dois bien vous l’avouer : je souffre d’un mal terrible, que je ne souhaite pas à mon pire ennemi. Oh c’est un mal très répandu, et le temps finira bien par en venir à bout, mais en attendant, il est la cause de toutes mes souffrances. Bien sûr, j’essaie de le cacher, ce mal trop visible, je m’habille en conséquence, je fais tout pour que ça ne se voie pas, mais rien n’y fait, on finit toujours par me jeter à la face ma trop honteuse maladie : hé oui, je suis jeune...

Je ne sais pas où j’ai attrapé la jeunesse, mais c’est un fait : à 26 ans, je suis jeune. Alors j’en chie. Mes compétences professionnelles, ce que je suis, ce que je sais, ce que je veux, tout cela n’a aucune importance : on ne voit de moi qu’une seule statistique, qu’un seul profil, je suis un 25-30 ans. Au mieux, j’inspire la sympathie ou la pitié, jamais la confiance. Surtout j’excite les tendances pédérastiques des quadras et des quinquagénaires, bref de ceux qui détiennent le pouvoir économique et politique, car un jeune n’a qu’une seule utilité : se faire enculer.

Mais là, j’ai ma dose ! Je ne peux plus... je n’accepte plus de me faire agresser par un vendeur qui juge sur mon âge que je n’aurai pas les moyens, de me faire tutoyer d’office avec condéscendance, de bosser gratuitement « pour faire mes preuves », d’être un sous-fifre qu’on ne consulte sur rien, de ne pas avoir droit à un logement en rapport avec mon revenu. Quoi que je fasse (et j’en ai fait, des efforts), on me refuse ma place dans le système.

Ils ne savent pas la vieillesse qu’ils se préparent, tous ces cons. C’est bien joli, tous ces sourires affligés affligeants : « Il faut aider les jeunes », « je suis prêt à vous donner un coup de pouce... ». Pauvre taré, c’est vraiment un coup de pouce que tu veux me donner, quand tu exiges une caution parentale, grand-parentale, 20 ans d’expérience et une lettre de recommandation avant de me filer un stage ou de me louer un appart minable, quand tu veux exploiter mes compétences, mon impatience et mon enthousiasme en restant le patron ? T’as intérêt à mettre de l’argent de côté pour tes vieux jours, parce que je n’aurai ni la volonté et peut-être pas les moyens de te payer ta retraite et tes médicaments, je ne te ferai pas de petits enfants pour égayer tes vieux jours, je ne te laisserai pas ma place dans le bus (oui, j’ai la vengeance mesquine) ! Quand tu seras vieux et vulnérable, je ne te raterai pas.

Quand j’aurai 50 ans à mon tour, le pouvoir à mon tour, je défendrai mes intérêts au détriment des tiens. Je serai un salaud, je t’en ferai baver, comme tu me l’apprends aujourd’hui.

J’aurai un petit sourire affligé, je te dirai qu’« il faut aider les vieux », je te proposerai un « coup de pouce » sous forme d’un prêt ou d’une assurance-vie qui te ruinera définitivement... ça te rappelera des choses...

Y’a pas que ta prostate qui te fera mal.

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