Le Scarabée
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La pasquaïsation des esprits

par ARNO*
mise en ligne : 19 mars 1997
 

Léotard, chef de file de la droite-caviar, réécrit l’histoire. Le frère taré de l’alcoolique génial nous fait un coup de Pastis.

Décidément pas gêné, le Léotard ! Je cite : « Nous n’aurons aucune complaisance ni pour le Front populaire, ni pour le Front national, car nous savons trop où l’un et l’autre nous ont conduit. » Et à quoi nous a conduit le Front populaire ? A Pétain, tout simplement... le genre de raisonnement troudebalistique qui permet de juger de la valeur du bonhomme.

On ne cherchera même pas à discuter la fulgurante connerie du raccourci historique (qu’est-ce qu’on leur apprend, chez les Jésuites ? la montée du nazisme n’est pas au programme des écoles religieuses ?).

C’est plutôt l’occasion de se rappeler l’incroyable trouille que la moindre avancée sociale provoque chez les libéraux. Un mépris épidermique pour les revendications du petit peuple, mais surtout, je le répète, une trouille totalement irrationnelle des acquis sociaux.

Pour les gens normaux, le Front populaire, ce sont les congés payés ; pour la famille à Léo, c’est invasion des luxueuses plages normandes par des hordes de crasseux à bicyclettes. Pour certains ce sont les grandes négocations du siècle, qui ont permis de rééquilibrer les relations entre employés et employeurs, pour les potes à Léo, c’est la grève et le chaos, c’est — avec des sanglots dans la voix — le socialisme ! Ce que Pasqua, dont la pensée néo-national-Pastis a contaminé l’ensemble de la droite (la pasquaïsation des esprits), résume à la même tribune : « La République, c’est un régime d’autorité, ce n’est pas le laxisme, pas la pagaille, pas l’anarchie. [...] Tout ce qui se passe autour de nous se résume en un mot. Il est fort, très fort... C’est la décadence ». Rien que ça !

Mais à qui font-ils penser, ces paranos, ces apôtres de l’ordre ? Ce sont tout simplement les bourgeois parisien qui ont érigé le Sacré-Coeur pour que Dieu pardonne à la France les revendications de la Commune, ce sont les fils de la vieille droite rigide qui défilaient entre 36 et 39 dans des parodies de démonstrations militaires contre la chienlit qui, elle, fêtait les acquis sociaux en dansant dans la rue. Les mêmes, encore, qui ont salué l’arrivée de la gauche en 81 en planquant leurs capitaux à l’étranger (ça c’est du bon Français, Monsieur).

Une trouille irrationnelle, bien sûr, puisque le PS n’est pas le Front populaire : 14 ans de socialisme n’ont pas évoqué, même de loin, les acquis de 36. En dénonçant la « décadence » et le « socialisme rampant » (imaginer alors Raspoutine le couteau entre les dents, à quatre patte dans les usines, prêt à assassiner Louis Schweitzer), nos amis libéraux sont non seulement à côté de la plaque, ils sont malsains.

L’autre point qui découle des déclarations du jésuite UDF, c’est clairement le refus du Front républicain (les partis démocratiques associés au deuxième tour pour affronter les fachos). La question était pourtant facile : « Préférez-vous un député socialiste, ou un élu FN de plus ? ». Léo a parlé, on aurait préféré ne pas l’entendre.

On joue à quoi, là ? Après avoir joué les « valeurs communes » avec le FN, la droite nous annonce que ce sont Jospin et Le Pen qui sont « électoralement associés ». Après avoir exclu de leurs mouvements les candidats qui refusaient le Front républicain, l’UDF et le RPR le dénoncent à leur tour officiellement.

Tocards, irresponsables, sombres et dangereux crétins ! Une des motivations du vote FN, c’est la sanction des partis traditionnels et de leurs politiques illisibles (un jour les valeurs communes, l’autre le Front républicain, un jour les « bonnes question » de Le Pen, un autre le discours anti-fasciste enflammé...).

D’ailleurs, le Léotard, quelle est sa responsabilité dans la montée du FN dans sa région : quelle image donne-t-il de la politique, lorsqu’il fait refaire sa villa varoise (avec piscine et mur d’enceinte) avec l’argent de ses contribuables ? Quelle est l’image de la majorité avec à la tête de l’UDF un corrompu notoire ? Léotard ne symbolise-t-il pas l’impunité inadmissible des magouilleurs, que dénonce le FN ?

Quelle image de la démocratie donne-t-il encore, le Léo, lorsqu’il évoque (décidément, qu’est-ce qu’on leur apprend, chez les Jésuites ?) le fameux mot d’ordre d’avant-guerre : « plutôt Hitler que le Front populaire ! » ?

Léotard vient de lancer la campagne des législatives... à vue de nez (forte odeur de dessous de bras), on se prépare l’une des campagnes les plus minables, sales et glauques de la Ve République.

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