
Les mensonges des hommes égalent les trahisons des dieux.
Mon pépé Nini (mon arrière-grand-père 
        Ménini) vénérait, dans cet ordre, sa femme, le bon 
        Dieu des Protestants et le Général. Et dans mon panthéon 
        personnel, il est en bonne place, auprès de mon autre grand-père.
Il est mort il y a quelques années, brisé 
        par la plus grande trahison qu’on puisse concevoir : Dieu avait tué 
        sa femme. Il faudra un jour que je vous raconte cette histoire d’amour 
        qui dépasse la fiction. Toujours est-il que ça l’a tué, 
        à 90 ans, après une interminable et pathétique 
        attente durant laquelle il a d’abord demandé au bon Dieu à 
        rejoindre sa douce, puis quotidiennement il a exigé, puis reproché.
Je le revois, dans son fauteuil, argumenter avec ce dieu 
        injuste, expliquer son incompréhension, sa colère. Car il 
        n’en doutait pas, il avait été un homme bon. Toute sa vie 
        il avait fait le bien. Il ne méritait pas cette torture.
Il était bon, car il était amoureux (amoureux 
        est un mot bien faible pour désigner ce vieux couple) depuis 70 ans. 
        Cela suffisait.
Mais s’il fallait un acte concret prouvant qu’il avait 
        été bon, c’était bien la Résistance. Il était 
        de ces héros discrets et sans haine du maquis des Vosges. Pas pour 
        échapper au STO (il avait déjà 40 ans à 
        l’époque), pas par idéologie, simplement parce qu’il savait 
        que là était le bien. En même temps (je crois qu’il 
        plaçait cela au même niveau que la résistance armée), 
        en l’absence de pasteur, il assurait le service du culte. Tout cela peut 
        sembler, aujourd’hui, totalement dépassé... cet homme transcendait 
        pourtant le temps et nos valeurs humaines par son amour. Je suis athé, 
        mais je crois que mon pépé était un ange humain.
Il était gaulliste.
C’est pourquoi je n’ai jamais considéré 
        la droite comme un « ennemi », mais comme une simple opposition 
        démocratique : en France, des communistes aux gaullistes, 
        tous les partis ont lutté contre le nazisme. Aussi profondes que 
        puissent être leurs divergences, ces partis partagent le respect 
        de l’être humain.
A l’opposé, le Front national est issu de la fange 
        collaborationniste. Ses dirigeants sont des fascistes, ses électeurs 
        sont les délateurs, les antisémites, les haineux, les vichystes. 
        Les électeurs du FN ne sont pas des gaullistes « un peu perdu, 
        un peu déçu » que la droite classique « n’aurait 
        pas su écouter » (comme on l’entend aujourd’hui) : ils 
        sont par essence opposés aux valeurs du gaullisme. Ils sont des 
        rats.
L’alliance de la droite démocratique et de l’extrême-droite 
        ne saurait être un calcul, un arrangement électorial. On 
        ne peut même pas le justifier par la lutte anti-communiste : 
        les communistes et les gaullistes furent ensemble dans le camp des justes, 
        l’extrême-droite en étant la négation. Allier la droite 
        et l’extrême-droite, c’est un révisionnisme, c’est pisser 
        sur la tombe des combattants d’hier.
Voilà, c’est idiot : 
        ce qui arrive me fait penser à mon pépé. Je me dis 
        que Dieu l’a trahi, et que maintenant les hommes salissent ce qui a fait 
        sa vie.
C’est idiot de penser 
        comme ça.