Le Scarabée
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Mon grand-père qui êtes aux cieux...

par ARNO*
mise en ligne : 21 mars 1998
 

Les mensonges des hommes égalent les trahisons des dieux.

Mon pépé Nini (mon arrière-grand-père
Ménini) vénérait, dans cet ordre, sa femme, le bon
Dieu des Protestants et le Général. Et dans mon panthéon
personnel, il est en bonne place, auprès de mon autre grand-père.

Il est mort il y a quelques années, brisé
par la plus grande trahison qu’on puisse concevoir : Dieu avait tué
sa femme. Il faudra un jour que je vous raconte cette histoire d’amour
qui dépasse la fiction. Toujours est-il que ça l’a tué,
à 90 ans, après une interminable et pathétique
attente durant laquelle il a d’abord demandé au bon Dieu à
rejoindre sa douce, puis quotidiennement il a exigé, puis reproché.

Je le revois, dans son fauteuil, argumenter avec ce dieu
injuste, expliquer son incompréhension, sa colère. Car il
n’en doutait pas, il avait été un homme bon. Toute sa vie
il avait fait le bien. Il ne méritait pas cette torture.

Il était bon, car il était amoureux (amoureux
est un mot bien faible pour désigner ce vieux couple) depuis 70 ans.
Cela suffisait.

Mais s’il fallait un acte concret prouvant qu’il avait
été bon, c’était bien la Résistance. Il était
de ces héros discrets et sans haine du maquis des Vosges. Pas pour
échapper au STO (il avait déjà 40 ans à
l’époque), pas par idéologie, simplement parce qu’il savait
que là était le bien. En même temps (je crois qu’il
plaçait cela au même niveau que la résistance armée),
en l’absence de pasteur, il assurait le service du culte. Tout cela peut
sembler, aujourd’hui, totalement dépassé... cet homme transcendait
pourtant le temps et nos valeurs humaines par son amour. Je suis athé,
mais je crois que mon pépé était un ange humain.

Il était gaulliste.

C’est pourquoi je n’ai jamais considéré
la droite comme un « ennemi », mais comme une simple opposition
démocratique : en France, des communistes aux gaullistes,
tous les partis ont lutté contre le nazisme. Aussi profondes que
puissent être leurs divergences, ces partis partagent le respect
de l’être humain.

A l’opposé, le Front national est issu de la fange
collaborationniste. Ses dirigeants sont des fascistes, ses électeurs
sont les délateurs, les antisémites, les haineux, les vichystes.
Les électeurs du FN ne sont pas des gaullistes « un peu perdu,
un peu déçu » que la droite classique « n’aurait
pas su écouter » (comme on l’entend aujourd’hui) : ils
sont par essence opposés aux valeurs du gaullisme. Ils sont des
rats.

L’alliance de la droite démocratique et de l’extrême-droite
ne saurait être un calcul, un arrangement électorial. On
ne peut même pas le justifier par la lutte anti-communiste :
les communistes et les gaullistes furent ensemble dans le camp des justes,
l’extrême-droite en étant la négation. Allier la droite
et l’extrême-droite, c’est un révisionnisme, c’est pisser
sur la tombe des combattants d’hier.

Voilà, c’est idiot :
ce qui arrive me fait penser à mon pépé. Je me dis
que Dieu l’a trahi, et que maintenant les hommes salissent ce qui a fait
sa vie.

C’est idiot de penser
comme ça.

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