Le Scarabée
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Vaches folles : boycottez les Rover avec sièges en cuir !

par ARNO*
mise en ligne : 10 juin 1996
 

L’affaire des vaches folles est un chef-d’oeuvre de complexité. Le Scarabée tente de vous exposer l’histoire calmement.

Au début, c’était simple. Puis grâce aux journalistes, aux scientifiques, aux experts, aux politiques, aux agriculteurs et au bouche-à-oreille, cette histoire de vache folle atteint des sommets de complexité que ne renieraient pas les stratèges géopolitiques de la guerre du Liban.

Au début donc, rien de bien compliqué : les vaches anglaises ne sont pas comestibles. Ca tombe bien, je ne mange pas de vache. Mon restau favori n’en propose pas au menu, mon boucher n’en vend pas, pas plus que le rayon surgelés de mon supermarché. Et là, on m’explique qu’il ne faut plus manger de boeuf. De boeuf ? Ok, ok, je m’adapte : ce qu’on nomme du boeuf, c’est en fait de la vache enragée. Pas difficile, j’abandonne le boeuf, je mange du veau.

Premier coup de théatre : les scientifiques débarquent et nous annoncent que c’est une escroquerie, que rien n’est prouvé, tout ça... (un scientifique, par définition, ne sait pas grand chose - "nous ne savons rien" -, doute de tout, et n’énonce pas de vérités, tout au plus émet-il les hypothèses les plus plausibles). C’est clair, j’abondonne le veau, je remange de la vache.

Illico, débarquent les experts européens (à l’instar des experts de tous les autres pays, les experts européens ne savent rien, ne doutent de rien - et surtout pas d’eux-mêmes - et n’émettent pas d’hypothèses : ils énoncent des conclusions). D’après eux, c’est sûr, les bêtes à cornes anglaises sont pourries jusqu’à la moëlle, c’est l’embargo. Je commence sérieusement à m’inquiéter, je fais des stocks de sucre, de farine et de pizzas surgelées.

La dessus, les associations de consommatrices décrètent le boycotte des produits de beauté qui contiennent de la vache. C’était inutile, l’idée même de se tartiner du bovidé sur les rides vous fait définitivement passer l’envie d’entamer une cure de raffermissement-amincissement-rajeunissement, qu’elle soit à base de bestiau anglais ou de vache espagnole.

Notre beau et svelte Chichi s’envole alors pour l’Angleterre par le tunnel sous la Manche (sauf au retour) : on pense que la seule vue de ses molets athlétiques suffira a séduire la perfide Albion. Pas de chance, ce jour là, il fait pas beau à Londres, alors à la place, il promet un assouplissement de l’embargo (la France est toujours pour l’assouplissement des embargos qui touchent les grandes démocraties, voyez l’Irak et Cuba). De toutes façons, le sperme de boeuf (et moi qui croyait qu’un boeuf était incapable de se reproduire, et que les vaches, qu’on nomme boeufs, ne produisaient pas de sperme, mais du lait) ne serait pas dangereux (parole d’experts de l’Elysée). Ca s’accélère. L’Europe assouplit donc l’embargo, l’Allemagne refuse, l’Angleterre met son veto, le Monde (le journal, hein) nous sort un rapport confidentiel qui lance une nouvelle affaire du sang contaminé (c’était déjà drôlement mélangé, alors un peu plus un peu moins...), Matignon dément... Je vous disais, ça commence simple, au final, c’est aussi confus qu’un plan de découpage de la Bosnie.

A force de nous faire tourner en bourrique, cette histoire de vaches va me faire devenir chèvre.

Un édito long comme ça pour un jeu de mot aussi navrant, j’ai dû manger quelquechose de pas bon.

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